La liste des nominations aux Oscars vient de tomber et avant de commenter tout ça, je vous propose ma petite interview de Javier Bardem, le bad guy de l'année, l'impitoyable tueur à gages Anton Chigurh dans No Country For Old Men, le masterpiece des frères Coen qui sort ce mercredi chez nous. Le film a récolté 8 nominations, ex-aequo avec There will be blood, et il y a de grandes chances que l'acteur espagnol, après son Golden Globe, reparte avec l'Oscar du meilleur second rôle masculin.
Etiez-vous un fan des frères Coen ?
Depuis Blood Simple, oui ! Je rêvais de travailler avec eux, sans trop y croire. J’adore leur façon d’écrire les personnages, leur côté étrange, les dialogues et leur façon de les filmer. Après les avoir rencontré, je les aime encore plus. Ils sont malins et intelligents. Ils ont aussi un côté étudiant, ils ne se prennent pas trop au sérieux.
Vous ont-ils appelé spécifiquement pour le rôle de Chigurrh ?
Mon agent avait entendu dire qu’ils voulaient un acteur étranger pour ce personnage. J’ai lu le script qui me plaisait beaucoup même si j’ai un problème avec la violence au cinéma. J’ai rencontré les Coen à New York et 30 minutes plus tard je faisais le film. Je n’étais pas familier avec l’univers de Cormac McCarthy et ils m’ont expliqué le sens de cette histoire, le fait que mon personnage à lui seul représente LA violence.
Il est terrifiant dès sa première apparition. Vous êtes vous inspiré de grands méchants de cinéma ?
Dans le livre, il est décrit psychologiquement, pas vraiment physiquement. Ce sont les Coen qui ont eux l’idée de cette coiffure absolument géniale, à la fois drôle et dérangeante. Il fallait aussi lui donner du poids. Lorsqu’il est en mission, il est hyper efficace mais sans enthousiasme, comme si quelque chose était cassé en lui. J’ai pensé à Robert Mitchum dans la Nuit du chasseur pour la présence, mais aussi Kevin Spacey dans Seven, pour l’âme brisée, ou aussi Anthony Hopkins dans le Silence des agneaux pour la diction. Mais je ne voulais copier aucun d’entre eux. Chigurh est Chigurh. Il est unique. C’est lui que je devais trouver !
Ca vous fait quoi de le voir sur l’écran ?
Je ne comprends pas pourquoi il fait aussi peur aux gens. Pas à moi en tout cas. Mais bon, j’ai fait mon boulot, mais les Coen surtout on fait leur boulot. La même performance entre les mains d’autres réalisateurs n’aurait pas donné la même chose. C’est l’atmosphère qu’ils ont crée, le malaise, le silence, la façon dont ils filment mon entrée en scène, ou la façon dont les personnages à qui je parle réagissent…. Ca oui, c’est effrayant !
Après les Coen, vous avez tourné avec Woody Allen, et vous ferez peut-être le prochain Coppola. Sollicitez-vous tous ces grands réalisateurs ?
Non, ce sont eux, qui me sollicitent, parce qu’ils ont vu mes films en espagnol ou en anglais. Ce sont de beaux accidents, mais seulement des accidents.
C’était comment de tourner avec Woody Allen ?
Je n’ai pas trop le droit d’en parler mais je peux vous dire que c’était une expérience unique. D’autres acteurs me l’avaient dit. On fait une prise, la scène entière sans coupe, on improvise. Ca va très vite et il faut être très préparé. Ca vous ramène à la base de la comédie, qui est d’ « être » le personnage, sans trop réfléchir.
Bardem, il y a dix ans ?
Je suis le même. Je vais à la même école d’acteur au moins une fois par an. Je lis les scénarios avec le même but : trouver des personnages qui me parlent, et surtout me permettent d’explorer mon métier d’acteur. La différence c’est qu’il y a dix ans je n’avais pas fait de film en anglais. Au début c’est dur d’être soi-même dans une langue qui n’est pas la vôtre. On perd un peu de sa liberté. J’ai commencé à prendre des cours il y a cinq ans, mais ce n’est pas encore assez. A chaque fois je dois apprivoiser le personnage, et la langue.
Bardem dans dix ans ?
J’aurais 48 ans ! J’espère que j’aurais le même appétit pour le métier et que physiquement je ne m’en sortirais pas trop mal. Je commencerais à faire la couverture des magazines pour le troisième âge !