En rédigeant un article sur le box-office français de 2007, un truc auquel je ne faisais plus vraiment attention m’a sauté aux yeux. Sur les 75 films les plus vus ces douze derniers mois, il n’y a que deux films ni Américains, ni Français. Deux ! Lesquels ? « La vie des autres », l’Oscar allemand du meilleur film étranger, et « Caramel », film franco-libanais qui a été l’un des succès surprises de l’été. Je sais que lorsqu’il est question de business du cinéma dans notre pays, le grand débat est de savoir si oui ou non Hollywood va dévorer le coq français… Mais en voulant lutter contre l’impérialisme américain, à coup de grosses productions fadasses, financées par l’Etat et les chaînes de télé, n’avons-nous pas tué la possibilité pour les spectateurs français de voir autre chose qu’un blockbuster avec Will Smith ou une comédie avec Jean Dujardin ? Je sais bien que le cinéma français ne se résume pas aujourd’hui à « Taxi 4 » et « Astérix aux jeux olympiques ». Qu’il y a aussi « Lady Chatterley » ou « La Graine et le mulet », des films tournés dans la douleur par des cinéastes « exigeants ». Mais le truc qui me chiffonne, c’est la prime donnée par le business et les médias au cinéma français sous prétexte qu’il serait un cinéma de résistance. Et qu’au final au lieu de vivre dans un monde d’une seule couleur, on nous demande de nous contenter de deux couleurs. Je dis ça parce que je vois les scores ridicules de films sortis récemment comme « Lumière silencieuse » du Mexicain Carlos Reygadas ou « Je suis un cyborg » du Coréen Park Chan-wook. Pas ou peu de promo, des campagnes d’affichage réduites… Deux films aux partis pris affirmés, visuellement sublimes de surcroît et surtout… différents. Comme le Reygadas, les films cannois s’en sortent d’ailleurs avec des fortunes diverses. « De l’autre côté » de l’Allemand Fatih Akin a trouvé une partie de son public. Mais on ne peut pas dire que la Palme d’Or roumaine, 4 mois, 3 semaines et 2 jours de Cristian Mungiu, ait déplacé les foules. C’est triste parce que même si j’ai des réserves sur le film, il mérite mille fois d’être vu. Je repense aussi à « The Host », le génial film de monstre de Bong Joon-Ho, le futur Kubrick asiatique. Sorti l’an dernier en même temps que James Bond, il est passé totalement inaperçu, ou presque. Depuis, je n’ai pas arrêté de prêter le DVD à des amis ébahis. Et je me demande s’il ne va pas falloir créer une rubrique dans les journaux intitulée « les films ni-ni ». Ni français, ni américains. « Les films ni-ni ». Mignon, non ?