On dit souvent que les préliminaires sont ce qu’il y a de meilleur lors d’une partie de jambes en l’air. Ca se discute, évidemment. Au cinéma aussi, même si avec le dernier film d’Ang Lee, Lust Caution, cet adage ancestral me paraît plus vrai que jamais. Chine, années 40, sous l’occupation japonaise. A Hong Kong, un groupe d’étudiants décide d’éliminer Monsieur Yee (l’incontournable Tony Leung), un salaud de collabo, en usant des charmes de l’une d’entre eux, la jeune et vierge Wang Jiazhi (l’inconnue et exceptionnelle Tang Wei). Entre eux, l’attirance est immédiate. Et surtout pas simulée. Sous le charme de sa proie, la demoiselle, dépucelée à la va-vite par l’un de ses camarades, se prépare à passer à la casserole. Sauf que le monsieur et sa dame repartent précipitamment à Shanghai. Trois ans, et une 1h30 de film plus tard, les deux tourtereaux se retrouvent et vont enfin consommer, dans toutes les positions possibles et imaginables. Résumé ainsi, ça fait un peu film érotique sur M6, je vous l’accorde. Sauf qu’entre les deux Ang Lee orchestre une fois de plus la montée du désir de façon magnifique. Dans Brokeback Mountain, les interdits sociaux empêchaient les deux amants de s’épanouir. Cette fois c’est un double jeu politique, intime et surtout mortel qui anime chaque regard, chaque geste, chaque étreinte des deux partenaires, sans qu’on sache longtemps qui portera le coup fatal. Les cinéphiles ont sans doute déjà entendu parler des trois scènes de sexe qui ont fait rugir de plaisir la dernière Mostra de Venise et son jury qui a accordé à Lee son deuxième Lion d’Or, deux ans après Brokeback Mountain. Mais la plus belle scène du film est selon moi celle où Wang Jiazhi raconte à ses chefs comment elle a fait jouir son tortionnaire bien aimé et combien elle aurait voulu qu’ils surgissent pour le tuer et lui offrir l’extase ultime. Une confession qui résume toute l’ambiguïté du personnage et la séduction latente de ce nouveau chef d’œuvre. Sublime !
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